il y a des femmes capables de lire la noirceur
elles apparaissent mobiles en pleine beauté
debout dans l’instant
au cœur flexible d’un territoire
les femmes seules en région
chantent avec une poignée d’aiguilles d’épinette
nichée dans leur gorge de miel
***
il y a des femmes capables
d’achever les rongeurs
qui gossent dans un plat de plastique
de gérer les insectes
les petits prédateurs
mouffettes coyotes
oiseaux et autres animaux morts sur la galerie
de s’occuper des carnassiers
qui rôdent autour
se pensant invisibles
en libertés féroces voraces
***
capables de courir pieds nus
de sauter dans l’eau
dériver flotter savourer
paumes ouvertes yeux fermés
dans les criques des roches
dans la mousse et les chutes
se mouiller sécher et plonger encore
malgré anguilles sangsues et points de rosée
capables de tenir les rênes
de conduire dans le noir dans les rangs
dans la poudrerie dense dans la brume opaque
dans la lumière éphémère
en toute saison
Anick Arsenault, Habitantes, L’écrou, 2021, p. 43-44-47.